La révision de la Constitution: un nouveau recours pour les justiciables
Le 1 Août 2008
Les justiciables peuvent se féliciter de l’adoption de la révision de la Constitution, votée le 21 juillet 2008 par le Congrès (loi n° 2008-724 du 23 juillet 2008, JO 24 juillet 2008, p. 11890).
Les médias ont beaucoup glosé sur certaines dispositions de la révision (par exemple le droit pour le Président de la République de se rendre devant le Parlement… alors qu’aucune disposition de la Constitution ne le lui interdisait, ceci relevant d’un usage remontant à la Troisième République…) ou sur les conditions de son adoption, à une très courte majorité.
En revanche peu de choses ont été dites sur l’un des aspects de cette révision touchant le fonctionnement de la Justice française alors même qu’il s’agit d’une innovation majeure:la création du contrôle des lois par la voie de « l’exception d’inconstitutionnalité ».
Jusqu’à présent le Conseil constitutionnel pouvait contrôler la constitutionnalité des lois uniquement avant leur entrée en vigueur.
C’est dire que toutes les lois entrées en vigueur avant 1959 (puisque le Conseil constitutionnel n’existait pas) n’avaient pas fait l’objet d’un tel contrôle et que, par conséquent, certaines pouvaient comporter des dispositions contraires à la Constitution.
De plus, le Conseil constitutionnel ne pouvait être saisi que par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée Nationale et 60 députés ou 60 sénateurs.
Désormais la Constitution comporte un article 61-I rédigé comme suit :
«Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».
Par conséquent, les parties à un procès pourront soulever l’inconstitutionnalité d’une loi déjà en vigueur, et ce devant toute juridiction.
C’est la technique dite de l’exception d’inconstitutionnalité ou contrôles des lois a posteriori, déjà en vigueur dans tous les autres états démocratiques contemporains.
Concrètement, si le litige se déroule devant le juge administratif (Tribunal Administratif, Cour Administrative d’Appel…) celui-ci devra saisir le Conseil d’Etat, lequel transmettra la question au Conseil constitutionnel (dans des conditions qui restent à préciser par une loi organique).
Pour un litige se déroulant devant le juge judiciaire, le système est le même, via la Cour de cassation et non le Conseil d’Etat.
Que deviendront alors les dispositions de la loi déclarées inconstitutionnelles ?
Le nouvel article 62 alinéa 2 de la Constitution précise :
« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. »
Ce nouveau mécanisme permettra de débarrasser peu à peu notre législation de dispositions dont l’inconstitutionnalité ne fait pas de doute.
En définitive, cette innovation, attendue depuis des décennies, ouvre de nouvelles perspectives pour les parties et leurs avocats, en renforçant l’assise constitutionnelle de toutes les branches du droit.
Notons également qu’un nouvelle autorité administrative indépendante a été créee par cette réforme: le Défenseur des droits, chargé de veiller « au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public ».
Cette nouvelle autorité pourra être saisie par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé ci-dessus.
Nous commenterons cette novation dans un prochain article.