L’affaire Dieudonné et le juge administratif
Le 9 Jan 2014
L’affaire Dieudonné nous permet de rappeler quelques principes essentiels en matière liberté d’expression et de réunion.
Le droit administratif français s’est construit de façon jurisprudentielle.
Ainsi, les grands principes ont-t-ils été posés par le juge administratif, lui-même, et ce dès 1873 et l’arrêt fondateur BLANCO (TC 8 février 1873).
Par cet arrêt, d’une part le juge administratif se déclarait seul compétent pour statuer sur les litiges entre les particuliers et l’administration et d’autre part il fixait la règle en matière de responsabilité de l’administration.
Par la suite, le Conseil d’Etat et le Tribunal des Conflits ont peu à peu défini les contours du droit administratif, au travers de ce que l’on a appelé les « grands arrêts de la jurisprudence administrative », rassemblé dans un vénérable ouvrage, qui a régalé (ou horripilé) les étudiants en droit, le « GAJA ».
Au fil du temps et de l’inflation normative, les textes ont peu à peu comblé les vides existants et les « grands arrêts » sont certes devenus moins fréquents.
Il n’en demeure pas moins que certains grands principes dégagés par ces arrêts sont toujours en vigueur.
Parmi ceux-ci, les principes relatifs à la liberté d’expression et de réunion et aux mesures de police, issus l’arrêt BENJAMIN du 19 mai 1933.
Dans cette affaire, le maire de Nevers avait interdit à René Benjamin, d’organiser une conférence sur Jeanne d’Arc, en invoquant le trouble à l’ordre public, du fait des risque de manifestations.
Or, le Conseil d’Etat a précisé que le maire ne pouvait prononcer d’interdiction générale et absolue.
Ainsi, toute mesure de police destinée à restreindre une liberté telle que la liberté d’expression doit être strictement proportionnée avec le risque de troubles à l’ordre public.
Toute annulation absolue d’un spectacle est donc annulée par le juge administratif… ceci ne vous rappelle rien ?
C’est exactement ce qui se passe dans l’affaire Dieudonné et il parait vraisemblable que des arrêtés d’interdiction de ses spectacles devraient être annulés, sauf circonstances locales particulières (mais lesquelles ?)
Force est de constater que les juges du Tribunal administratif de Nantes avaient fait une application parfaitement conforme du droit applicable…
La décision du Conseil d’Etat, intervenue seulement quelques heures plus tard, qui annule la décision dudit Tribunal, jette un doute sur les conditions dans lesquelles cette décision a été rendue, car elle semble opérer un revirement notable.
Il ne s’agit toutefois que d’une décision rendue en matière de référé et qu’il conviendra de connaître les motifs des décisions qui seront ensuite rendues sur le fond.
MCD
12 janvier 2014 (8 h 56 min)
La rapidité d’intervention du Juge administratif est remarquable!
Un traitement aussi rapide des demandes n’est pas commun…
Le 10 janvier, la demande des avocats de Dieudonné au CE tendait à la suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral contesté.
La procédure de référé liberté sera t’elle plus souvent utilisée devant le juge administratif des référés pour présenter une demande de suspension de décisions administratives suspectées de porter atteinte à un droit fondamental ?