Démolition d’une construction légale pour trouble anormal de voisinage
Le 1 Fév 2022
Le juge administratif peut annuler le permis de construire mais ne peut pas prononcer la démolition d’une construction.
En revanche, le juge judiciaire peut ordonner la démolition d’une construction causant un trouble anormal de voisinage… y compris en présence d’un permis légal!
La Cour de cassation l’a par exemple rappelé dans une affaire où les propriétaires d’une résidence secondaire demandaient la démolition d’une surélévation pratiquée sur une construction voisine, dont les travaux avaient été autorisés par un permis de construire parfaitement valable (Cass. 3ème civ. 22-10-2020 n°18-24.439).
Le juge administratif les ayant débouté de leur recours contre le permis, ils ont alors saisi le juge judiciaire d’une action en trouble de voisinage pour perte d’ensoleillement. La Haute juridiction a donné raison à ces propriétaires considérant que l’environnement était rural et qu’ils subissaient désormais une ombre portée à compter de 16h en plein été. Le fait que la résidence ne soit que secondaire a été écartée par la Cour.
Ainsi, alors que l’on dispose d’un permis parfaitement légal autorisant l’édification d’une construction, les tiers (les voisins directs) peuvent faire valoir devant le juge judiciaire d’autres règles que les règles d’urbanisme, parmi lesquelles celles relatives au trouble anormal de voisinage.
En vertu de l’article 544 du Code civil « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Il s’agit d’une responsabilité objective en ce sens qu’il suffit au voisin de prouver par tous moyens qu’il existe un trouble anormal, qu’il subit un préjudice et qu’il existe un lien de cause à effet ou lien de causalité entre le préjudice et la construction édifiée.e.
Parmi ces troubles figurent la perte d’ensoleillement, la perte d’une vue ou encore le bruit. Tous ces troubles doivent excéder les inconvénients normaux du voisinage. Le juge judiciaire apprécie souverainement le caractère anormal du trouble et son lien direct avec le préjudice, qui peut être économique, esthétique ou moral.
Si le juge peut ordonner la démolition, bien souvent il octroie des dommages et intérêts indemnisant le ou les préjudices subis.
Notons que la loi limite ce type d’action en responsabilité pour les dommages causés aux occupants d’un immeuble par des nuisances provenant d’activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques lorsque le permis de construire a été demandé postérieurement à l’existence de ces mêmes activités. Il s’agit du principe de préoccupation ou de la règle dite de l’antériorité. (art L 112-16 du code de la construction et de l’habitation)