Mesures relatives au contentieux de l’urbanisme dans la loi ELAN

Le 27 Nov 2018

Par Patrick Gaulmin

La loi ELAN a été promulguée le 23 novembre 2018. Elle comporte 234 articles, soit 137 pages au Journal Officiel !

Parmi les sujets abordés par la loi : « Améliorer le traitement du contentieux de l’urbanisme ».

En réalité, ce n’est pas une « amélioration » du contentieux de l’urbanisme mais clairement une volonté de le limiter au maximum.

La loi s’inscrit dans la lignée des précédentes réformes : suppression du degré d’appel pour les décisions relatives aux autorisations d’urbanisme (expérience » de 2013 prolongée jusqu’en 2022… Notre de 2023: expérience pérennisée et même étendue), durcissement des conditions de recevabilité des recours, modification des règles de procédure par le décret JADE ou le décret de juillet 2018….

Le législateur veut nous faire croire que c’est la peur des recours qui empêchent les constructions nouvelles et que ces recours encombreraient inutilement les juridictions administratives.

C’est faux.

C’est la complexité des normes, la sur-règlementation , et la hausse du cout de construction qui en résulte, qui sont les principaux responsables.

La législation est devenue si complexe qu’il est quasiment  toujours possible de trouver un moyen d’illégalité de nature à faire annuler un permis de construire.

Face à cette évidence, le législateur tente d’encadrer toujours plus les recours et de limiter leurs effets.

Voici donc les principales mesures de la loi ELAN concernant le contentieux de l’urbanisme.

Limitation des effets des annulations ou des déclarations d’illégalité de PLU.

L’article L 600-12-1 nouveau du Code de l’urbanisme prévoit :

L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l’utilisation du sol ou à l’occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d’illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet.

« Le présent article n’est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d’opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l’annulation ou l’illégalité du document d’urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l’annulation de ladite décision. ».

Ainsi, un permis peut être annulé si le classement du terrain lui-même est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation mais pas si le PLU est annulé par exemple pour des motifs tirés du non respect des modalités de la concertation préalable.

Selon l’article L 442-14 la règle vaut également pour les  lotissements :

« L’annulation, totale ou partielle, ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale pour un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au lotissement ne fait pas obstacle, pour l’application du présent article, au maintien de l’application des règles au vu desquelles le permis d’aménager a été accordé ou la décision de non-opposition a été prise. »

(A noter qu’en matière de lotissement une importante modification de l’article L. 442-9 du Code est apportée.)

L’article L 610-1 est complété : « Sauf en cas de fraude, le présent article n’est pas applicable lorsque le bénéficiaire d’une autorisation définitive relative à l’occupation ou l’utilisation du sol, délivrée selon les règles du présent code, exécute des travaux conformément à cette autorisation. »

Nouvelle restriction apportée à l’intérêt à agir des associations

Pour écarter des prétoires les associations créées pour les besoins de la cause  l’article L 600-1-1  prévoit désormais que pour pouvoir agir, les associations devront dorénavant avoir été créées plus d’un an avant le dépôt de la demande de permis.

L’article L.600-1-1sera applicable aux permis délivrés à compter du 1er janvier 2019.

Assouplissement des conditions d’obtention d’une condamnation pécuniaire contre le requérant

La loi supprime les termes « excessif » et « intérêts légitimes » utilisés par l’actuel article L 600-7.

Pour pouvoir obtenir une indemnité, le titulaire du permis devra démontrer que ce recours traduit un comportement « abusif » de la part des auteurs du recours.

Transactions financières plus encadrées.

Désormais, aux termes de l’article L 600-8 modifié, les transactions entrant dans le champ de cet article doivent être enregistrées y compris lorsqu’elles se situent en amont de l’introduction d’un recours contentieux. (« Big brother is watching you »)

L’article fait enfin expressément référence, pour cet enregistrement, au délai d’un mois prévu par le code général des impôts. A défaut, la remise en cause des contreparties aux renonciations à recours sera possible.

Favoriser les régularisations.

La nouvelle rédaction des articles L 600-5 et L 600-5-1, relatives aux annulations partielles et aux sursis à statuer dans l’attente d’une régularisation, a pour but de contraindre davantage le juge à examiner la possibilité de régularisation, en exigeant qu’il motive l’absence de possibilité de régulariser

Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l’autorisation pourra en demander la régularisation, même après l’achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d’annulation partielle est motivé. » ;

Enfin, pour éviter les recours successifs, l’article L 600-5-2 prévoit explicitement que la légalité des décisions de régularisation en cours d’instance ne peut être critiquée qu’à l’occasion du recours contre la décision modifiée.

Encadrement des possibilités de référé-suspension.

Le nouvel article L 600-3 modifié oblige les requérants, s’ils veulent faire interrompre les travaux, à déposer leur requête en référé-suspension dans le délai de la cristallisation des moyens en première instance, soit en principe, deux mois après la communication aux parties du premier mémoire en défense déposé, depuis le 1er octobre 2018, date d’entrée en vigueur du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 

L’entrée en vigueur de ces articles a été fixée au 1er janvier 2019, mais les articles L 600-5, L 600-5-1 et L 600-7, qui régissent l’office du juge, s’appliqueront aux instances en cours, y compris en appel, sans restriction particulière. Idem pour l’article L 600-12-1, qui restreint les effets d’annulations de PLU notamment.

Comments

  1. CATHERINE Françoise

    17 février 2019 (13 h 51 min)

    Une opposition à ne déclaration préalable pour l’installation d’une chenil de 60 m2 comprenant un abri et d’un parc de détente de 300 m2 sur notre parcelle agricole AH 34 non constructible sur la commune de st jean le thomas nous a été notifiée en se référant aux anciens articles 121-8 et 121-10. Notre parcelle se trouve hors des limites du conservatoire du littoral. Dois-t-on faire un recours gracieux ou un appel à cette décision.

    Association HUSKY35

    Didier PETIT Françoise CATHERINE

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    • Patrick Gaulmin

      20 février 2019 (8 h 18 min)

      Chère Madame,
      Si la commune est une commune littorale, la loi du même nom s’applique, même si vos terrains sont loin du rivage. En tout état de cause, vous pouvez faire un recours gracieux auprès de la commune et/ou devant le Tribunal administratif… en fonction des motifs de refus, des règles applicables etc.
      Cordialement.
      P. GAULMIN

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      • CATHERINE Françoise

        21 février 2019 (7 h 53 min)

        Bonjour et merci pour votre réponse,

        En fait nous avons eu l’accord du conservatoire du littoral de Normandie car « la parcelle en question cadastrée AH 34 à St Jean le Thomas se situe en limite du site d’intervention du Conservatoire du Littoral et hors de la zone de préemption. Le conservatoire n’interférera donc pas dans le projet en question ».
        Nous allons demande un recours gracieux pour l’instant et peut être au niveau du tribunal administratif.
        Nous attendons votre réponse.
        Avec nos remerciements.
        Didier PETIT Françoise CATHERINE

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