Preuve du lien de cause à effet entre l’ouvrage public et le dommage subi
Le 21 Sep 2017
On évoquer souvent l’idée d’une présomption de responsabilité de l’administration en matière d’accident sur la voie publique.
En réalité, l’usager de la voie publique doit démontrer, d’une part, la réalité de son préjudice et, d’autre part, l’existence d’un lien de causalité direct entre l’ouvrage et le dommage dont il se plaint.
C’est ce que rappelle la Cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt du 10 juillet 2017 (n° 15NT03869)
Dans cette affaire, la requérante soutenait avoir fait une chute le 22 janvier 2011, vers 14 heures 30, alors qu’elle circulait à pied rue Jeanne d’Arc à Orléans Elle précisait avoir été victime d’une entorse cervicale en C4/C5 et d’un état dépressif réactionnel post-traumatique lié à la douleur. Imputant sa chute à l’encombrement du trottoir par des gravats et à la présence d’un tuyau sortant du sol en raison des travaux de construction de la seconde ligne de tramway par la communauté d’agglomération orléanaise, elle avait demandé au tribunal administratif d’Orléans de condamner solidairement la communauté d’agglomération et les entreprises réalisant ces travaux, à l’indemniser de son préjudice, dont le quantum devait être déterminé dans le cadre d’une expertise médicale.
La Cour rend l’arrêt suivant :
«Considérant, en premier lieu, que si la requérante demande à la cour de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la plainte avec constitution de partie civile qu’elle a déposée devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance d’Orléans le 16 novembre 2012, le juge administratif n’est, en raison de l’indépendance des procédures devant les juridictions administratives et les juridictions pénales, pas tenu d’accueillir une telle demande ; que, dans les circonstances de l’espèce, et en l’absence de tout élément d’information complémentaire sur les suites de la démarche engagée par elle et sur les éléments que le tribunal n’aurait pas eu à sa connaissance, ces conclusions ne peuvent qu’être rejetées; »
Considérant, en second lieu, que, pour obtenir réparation, par le maître de l’ouvrage, des dommages qu’il a subis, l’usager de la voie publique doit démontrer, d’une part, la réalité de son préjudice et, d’autre part, l’existence d’un lien de causalité direct entre l’ouvrage et le dommage dont il se plaint ; que pour s’exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d’ouvrage, soit d’établir qu’elle a normalement entretenu l’ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l’existence d’un événement de force majeure ; que Mme F…qui, lors de l’accident litigieux, circulait sur un trottoir de la ville d’Orléans membre de la communauté d’agglomération d’Orléans Val de Loire qui exerce la compétence dans le domaine de la voirie, avait, contrairement à ce qu’elle persiste à faire valoir en appel, la qualité d’usager de l’ouvrage public placé sous la responsabilité de la communauté d’agglomération ; qu’il lui appartient dès lors d’établir la réalité des faits allégués ainsi que le lien de cause à effet entre l’ouvrage public incriminé et le préjudice dont elle se plaint;
Considérant que Mme F…n’apporte pas plus en appel qu’en première instance d’éléments permettant de connaitre les circonstances exactes de l’accident dont elle affirme avoir été victime et dont la réalité même est contestée par la communauté d’agglomération Orléans Val de Loire ; qu’en particulier, si la requérante, pour soutenir qu’elle a chuté en raison de l’encombrement du trottoir par des gravats et d’un tuyau, indique que deux personnes, qu’elle cite nommément, ont été témoins de l’accident, elle ne produit toutefois pas ces témoignages ni d’autres éléments de nature à étayer matériellement ses dires ; qu’il résulte de l’instruction que le seul élément objectif versé aux débats est le compte-rendu de la radiographie du rachis cervical de l’intéressée effectuée le 24 janvier 2011, soit deux jours après l’accident, et qui indique que » le bâillement postérieur anormal en C4/C5 peut correspondre à une entorse a minima dont le caractère récent ou ancien ne peut être affirmé » ; que, dans ces conditions, et dès lors que Mme F… ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du lien de cause à effet entre le trottoir, ouvrage public dont elle était l’usager, et le dommage dont elle se plaint, c’est à bon droit que les juges de première instance ont estimé que la responsabilité de la communauté d’agglomération Orléans Val de Loire et des sociétés Eurovia Centre Loire, Alstom Transport et Lavallin ne pouvait être engagée à son égard ».
La requête de Mme F… est donc rejetée.
Dans le même sens, notre article du 9 février 2017 sur ce Blog.