Compétence du juge administratif pour juger de l’action directe d’une victime contre l’assureur d’une collectivité territoriale
Le 29 Mai 2010
Par un avis contentieux du 31 mars 2010, le Conseil d’État admet pour la première fois la compétence du juge administratif pour juger l’action directe de la victime d’un dommage contre l’assureur de la collectivité responsable (CE, 31 mars 2010, n° 333627, Renard).
La décision est justifiée par la nature administrative du contrat d’assurance, qui est un marché public.
Selon « le Conseil d’Etat, les services d’assurances ont été soumis aux dispositions du Code des marchés publics par l’article 1er du décret du 27 février 1998 modifiant le Code des marchés publics, dont les dispositions figurent désormais sur ce point à l’article 29 de ce code. Le premier alinéa de l’article 2 de la loi du 11 décembre 2001 dispose que « Les marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs », le deuxième alinéa de ce même article maintenant toutefois la compétence du juge judiciaire pour connaître des litiges portés devant lui avant la date d’entrée en vigueur de cette loi.
Par suite, un contrat d’assurance passé par une des personnes morales de droit public soumises aux dispositions du Code des marchés publics en application de son article 2, notamment par une collectivité territoriale, présente le caractère d’un contrat administratif.
Si l’action directe ouverte par l’article L. 124-3 du Code des assurances à la victime d’un dommage, ou à l’assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l’assureur de l’auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle poursuit l’exécution de l’obligation de réparer qui pèse sur l’assureur en vertu du contrat d’assurance. Elle relève par suite, comme l’action en garantie exercée, le cas échéant, par l’auteur du dommage contre son assureur, de la compétence de la juridiction administrative, dès lors que le contrat d’assurance présente le caractère d’un contrat administratif et que le litige n’a pas été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d’entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001. »
Jusqu’à présent, la plupart des arrêts affirmaient que l’action directe ne poursuit que l’exécution de l’obligation de l’assureur à la réparation du dommage, laquelle est « une obligation de droit privé », indépendamment de la compétence retenue pour juger l’action en responsabilité de la victime
Désormais, le Conseil d’État fait ainsi prévaloir la nature du contrat d’assurance sur celle de l’action en responsabilité ouverte à la victime du dommage, ce qui ressort clairement de la rédaction de la décision.
La décision est à rapprocher d’un mouvement récent, qui tend à faire du contrat et de sa qualification l’élément déterminant de la compétence juridictionnelle à l’égard des litiges susceptibles de s’y rattacher.