Les Tribunaux administratifs, conseils des collectivités territoriales?
Le 11 Mar 2010
Alors que le Code de Justice administrative vient d’être substantiellement modifié par le décret du 22 février 2010, une proposition de loi conduira, si elle est définitivement adoptée, à expérimenter une procédure permettant aux collectivités territoriales de consulter les Tribunaux administratifs sur des questions de droit relevant de leur compétence.
Dans un récent article (JCP A, n° 5, 1er Février 2010, act. 87), le professeur Paul CASSIA émet un certain nombre de critiques au sujet de cette proposition, auxquelles nous souscrivons totalement.
Pour lui, cette innovation part d’une très bonne intention : le droit est une matière complexe, les règles changent d’une manière beaucoup trop fréquente, et les « petites » collectivités territoriales n’ont pas les moyens juridiques de procéder elles-mêmes à une vérification pointue de la légalité de leurs actes.
Mais il parait quelque peu « facile » d’inciter les communes à consulter le Tribunal administratif pour démêler l’écheveau du droit, alors même qu’il appartient au Législateur (et au Gouvernement) de produire des textes clairs, pérennes et intelligibles.
En outre, les collectivités territoriales qui ont un doute sur la légalité de l’acte qu’elles sont susceptibles de prendre peuvent soit demander gracieusement l’attache de la préfecture, soit (pardon de plaider pour notre paroisse) se tourner vers un cabinet d’avocats.
Autres inconvénients invoqués: la tâche des tribunaux administratifs s’en trouverait alourdie, cette disposition serait contraire au droit de la concurrence en ce qu’il interviendrait sur le marché du conseil juridique aux collectivités territoriales, le principe d’impartialité serait mis à mal car il faudra s’assurer que ce ne sont pas les mêmes personnes qui conseillent puis qui jugent et, en outre, si l’impartialité était respectée, comment le justiciable ne pourrait-il pas avoir une légitime réticence à saisir une juridiction qui a participé à l’élaboration de l’acte litigieux ?
En réalité, « cette proposition tente de résoudre de manière par trop commode une question que les pouvoirs publics ne souhaitent pas prendre à bras-le-corps, celle du contrôle de légalité opéré par les préfectures », qui fonctionne souvent très mal, en raison du grand nombre d’actes adoptés par les collectivités et leurs groupements.
Or, « il n’appartient pas aux magistrats administratifs de se substituer à ces fonctionnaires territoriaux, en donnant gracieusement des conseils en leurs lieux et place».
En définitive, cette loi, si elle est adoptée, risque de générer plus de problèmes qu’elle n’en résoudra.